La bulle spéculative de l’IA continue de grossir, avertissent un nombre croissant d’analystes étrangers. Des rapports font état d’un boom financier et de coûts disproportionnés par rapport aux profits, et certains craignent même un krach comparable à la crise des dot.com de 2000. Sommes-nous confrontés à des problèmes que nous n’aurions même pas pu imaginer il y a un an ?
Résumé de l’article en 4 points essentiels :
- Selon certains analystes, une bulle spéculative de l’IA est en train de naître,
- Cette bulle est inévitable compte tenu des investissements massifs sans retour de bénéfices de certaines entreprises,
- Les investisseurs manifestent tout simplement un enthousiasme démesuré pour les nouvelles technologies de l’IA sans réel étude approfondie de chaque entreprise,
- Qui qu’il en soit, si la bulle de l’IA éclate, elle sera sectorielle épargnant les grandes entreprises de la Tech comme Google, Microsoft, OpenAI…
Ce qui se passe autour de l’IA peut difficilement être qualifié de boom. C’est une pure folie
Selon les analyses et les médias, les grandes entreprises technologiques ont déjà investi environ 155 milliards de dollars dans l’intelligence artificielle en 2025. Par ailleurs, les prévisions indiquent que ces dépenses pourraient dépasser les 400 milliards de dollars à mesure que les entreprises développent leurs centres de données et investissent dans les systèmes d’IA.
Microsoft prévoit à elle seule d’investir environ 80 milliards de dollars dans son infrastructure d’IA cette année, tandis qu’Amazon, Alphabet et Meta estiment chacun leurs dépenses d’investissement entre 60 et 100 milliards de dollars. Bref, des centaines de milliards de dollars vont être investis dans cette nouvelle technologie.
Où se trouve véritablement le problème suite à ces investissements ?
Et voici le premier problème. Si vous investissez une fortune dans quelque chose, vous souhaitez en tirer des bénéfices tangibles dans un délai prévisible. Cependant, pour l’instant, parmi la multitude de projets d’IA, vous ne trouverez pas un seul qui a radicalement transformé notre environnement et, surtout, généré des profits supérieurs à la moyenne.
Nous parlons plutôt de quelques grands acteurs qui ne cessent de nous surprendre avec de nouvelles idées notamment OpenAI et Gemini. Fin août dernier, une douche froide, ou plutôt une cascade glacée, a choqué les défenseurs de l’IA. Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont analysé plus de 300 implémentations publiques d’IA, interrogé 150 leaders du secteur et interrogé des centaines d’employés informatiques.
En résumé ? Jusqu’à 95 % des projets pilotes d’IA générative en entreprise échouent, sans impact mesurable sur les bénéfices ou le chiffre d’affaires de l’entreprise. Et ce, malgré des milliards de dollars investis dans ces projets.
Cela se produit à un moment où les actions des entreprises technologiques explosent. Dans le même temps, plusieurs entreprises fondent leurs technologies sur l’intelligence artificielle connaissent une croissance de plusieurs dizaines de pour cent en un mois. Elles sont alors capables de générer des milliards de dollars de chiffre d’affaires (exemple Nvidia et Oracle). C’est pourquoi, même Sam Altman, PDG d’OpenAI et l’un des plus grands spécialistes de l’IA de la Silicon Valley, a souligné que les valorisations des entreprises sur le marché boursier américain étaient carrément « folles ».
Pourquoi cela se produit-il ? C’est un mécanisme naturel, que l’humanité a observé d’innombrables fois au fil des siècles. Les investisseurs manifestent tout simplement un enthousiasme démesuré pour les nouvelles technologies et achètent des actions d’entreprises qui mentionnent l’intelligence artificielle dans leurs rapports.
Cependant, cette approche soulève des inquiétudes naturelles selon lesquelles la partie IA du marché se développe beaucoup plus rapidement, voire trop rapidement, par rapport à la technologie elle-même, qui pourrait apporter de réels avantages et profits.
Nous devons nous attendre à un crash similaire au dot.com
C’est pourquoi, ces derniers mois, de nombreux analystes ont comparé l’explosion de la bulle de l’IA à ce qui s’est passé il y a 25 ans. À l’époque, une autre technologie émergeait, qui allait changer notre monde à jamais : Internet. L’histoire de la bulle Internet, à l’heure actuelle, est bien documentée dans les manuels d’économie, et aujourd’hui, elle revient comme un boomerang.
La crise des dot.com a coïncidé avec la plus longue période d’expansion économique aux États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale. L’inflation était en baisse, le chômage en baisse, et la croissance économique et la productivité du travail progressaient rapidement. En bref, un eldorado économique.
Dès octobre 1998, les marchés se sont réjouis des introductions en bourse quasi incessantes d’entreprises désireuses de conquérir Internet. Le problème est qu’à l’époque, personne ne prêtait vraiment attention à la rentabilité de leurs modèles économiques et à leur potentiel réel de profits.
Les résultats ne se sont pas fait attendre. L’indice Nasdaq, fortement axé sur la technologie, a bondi de 86 % rien qu’en 1999, atteignant son pic le 10 mars 2000. Après cela, tout a implosé. En deux ans et demi, le Nasdaq a perdu près de 80 % de sa valeur. Des entreprises ont fait faillite et des gens ont perdu toutes leurs économies. La bulle a éclaté de façon spectaculaire.
Une nouvelle crise va-t-elle nous frapper ?
La question se pose donc : sommes-nous à un moment similaire de l’histoire, à ceci près qu’Internet a été remplacé par l’IA ? Selon les analystes interrogés, de nombreux indices montrent que le passé nous a appris quelque chose.
Le marché de l’intelligence artificielle est de plus en plus souvent décrit comme traversant une bulle spéculative, même si ce n’est pas une répétition du scénario de la bulle Internet du début du siècle. Les arguments en faveur de cette affirmation mettent principalement en avant l’ampleur croissante des financements, combinée à l’absence de résultats mesurables dans la plupart des projets.
Par contre, les opposants à la thèse de la bulle spéculative soulignent que l’IA améliore réellement la productivité et génère des économies. Ils font allusion aux recherches du MIT montrant que les outils basés sur l’IA générative peuvent accroître l’efficacité des travailleurs hautement qualifiés jusqu’à 40 %. Parallèlement, les réductions de coûts moyennes des entreprises atteignent 27 %.
De l’autre côté, contrairement à l’ère des dot.com, l’infrastructure de l’IA génère des revenus actuellement. Les fabricants de puces et les fournisseurs de puissance de calcul signalent des revenus et des marges records, ce qui prouve la demande durable et forte pour l’infrastructure technologique.
Un autre son de cloche affirme que malgré le fait que le marché de l’IA comporte des éléments typiques d’une bulle, nous n’avons pas à faire une généralisation. Plusieurs financiers indiquent qu’un scénario plus probable est celui d’une « bulle sélective » : des valorisations exagérées et des investissements risqués dans des applications et des agents d’IA sans revenus réels. D’un autre côté, le développement de l’IA risque d’accentuer le chômage dans certains secteurs d’activité. Une preuve que l’intelligence artificielle aura fortement un impact sur l’humanité, mais jusqu’à quel point ?
Il y aura des chutes, mais le marché entier ne s’effondrera pas
Tymoteusz Turski, analyste chez XTB, partage cet avis. Selon lui, il est encore difficile de parler d’une bulle d’investissement classique en cours de développement sur le marché, du moins en ce qui concerne les valorisations boursières. « Ce phénomène se produit lorsque de fortes hausses de valorisation des entreprises ne sont pas soutenues par les résultats réels, mais simplement alimentées par l’espoir ou la volonté des moutons », remarque-t-il.
Il rappelle que dans les grandes entreprises technologiques comme Microsoft et Alphabet, les ventes issues des segments cloud tirées par le développement de l’intelligence artificielle restent la composante du chiffre d’affaires qui connaît la croissance la plus rapide depuis de nombreux trimestres.
Turski ajoute que Nvidia, acteur majeur dans le développement de l’IA et du marché haussier de l’IA, a également enregistré une croissance sans précédent de son chiffre d’affaires et de ses bénéfices pour une entreprise de sa taille. Plus précisément, la croissance annuelle moyenne du chiffre d’affaires sur les trois dernières années est de 71 %, et celle du bénéfice par action sur la même période est de 102 %. C’est complètement délirant !
Tout cela tout en maintenant une marge opérationnelle d’environ 60 %. Par conséquent, si la croissance forte et dynamique des entreprises d’IA peut rappeler les problèmes de l’ère des dot.com, il convient de souligner que les gains boursiers sont portés par des entreprises qui affichent des résultats de plus en plus élevés d’année en année. En effet, celles-ci génèrent des profits réels, et ne se contentent pas de se nourrir des espoirs des investisseurs.
Alors, que va-t-il réellement se passer : la bulle va-t-elle éclaté ?
Dans ce contexte, les derniers propos de Glenn Fogel, PDG de Booking.com, sont intéressants. Il a déclaré mardi, lors du Skift Global Forum à New York City (l’un des événements les plus importants du secteur du voyage) que la bulle de l’IA existe et qu’elle risque d’éclater.
D’autres experts du secteur du voyage pendant ce forum étaient du même avis. « Les similitudes sont évidentes : valorisations exorbitantes, annonces enthousiastes et startups incapables de tenir leurs promesses ». D’autres spéculent que si la bulle de l’IA éclate, rien de grave ne se produira. Au contraire, le marché s’équilibrera et la technologie continuera de se développer. Fogel a ajouté plus tard : « Ce qui est en train d’être construit, c’est une technologie qui va absolument, j’en suis certain… changer tous les aspects de la société. »
Que pouvons-nous conclure ? Nul ne peut dire avec certitude si cette bulle va réellement éclater, mais si c’est le cas, il s’agira d’un effondrement sectoriel et sélectif. Les cours de l’action de plusieurs grosses entreprises de la Tech vont chuter, mais ce ne sera pas le chaos vécu lors de la bulle des dot.com. En vérité, nous entrons donc dans une phase complètement nouvelle, mais personne ne peut dire où cela nous mènera.